Dataset Viewer
Auto-converted to Parquet Duplicate
book_id
int32
44
25.4k
book_title
stringclasses
236 values
conversation
dict
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Il ne vous reste plus qu’à mourir avec fermeté, pour obtenir votre pardon de Dieu et des hommes. Nous ne vous haïssons pas ; nous vous plaignons, et votre mémoire ne sera pas en horreur parmi nous. Obéissez volontairement à la loi, et respectez sa rigueur salutaire. Voyez nos larmes qui coulent ; elles vous sont un sûr témoignage que l’amour sera le sentiment qui succédera dans nos cœurs lorsque la Justice aura accompli son fatal ministère. La mort est moins affreuse que l’ignominie. Subissez l’une, pour vous affranchir de l’autre. Il vous est encore permis de choisir : si vous voulez vivre, vous vivrez, mais dans l’opprobre et chargé de notre indignation. Vous verrez ce soleil, qui vous accusera chaque jour d’avoir privé un de vos semblables de sa douce et brillante lumière. Elle ne vous sera plus qu’odieuse, car les regards de tous, tant que nous sommes, ne vous peindront que le mépris que nous faisons d’un assassin. Vous porterez partout le poids de vos remords et la honte éternelle d’avoir résisté à la loi juste qui vous condamne. Soyez équitable envers la société et jugez-vous vous-même65 !", "Être unique, incréé, Créateur intelligent de ce vaste univers ! puisque ta bonté l’a donné en spectacle à l’homme, puisqu’une aussi faible créature a reçu de toi les dons précieux de réfléchir sur ce grand et bel ouvrage, ne permets pas qu’à l’exemple de la brute elle passe sur la surface de ce globe sans rendre hommage à ta toute-puissance et à ta sagesse. Nous admirons tes œuvres augustes. Nous bénissons ta main souveraine. Nous t’adorons comme maître : mais nous t’aimons comme père universel des êtres. Oui, tu es bon, autant que tu es grand ; tout nous le dit, et surtout notre cœur. Si quelques maux passagers nous affligent ici-bas, c’est sans doute parce qu’ils font inévitables : d’ailleurs tu le veux, cela nous suffit ; nous nous soumettons avec confiance, et nous espérons en ta clémence infinie. Loin de murmurer, nous te rendons grâce de nous avoir créés pour te connaître. Que chacun t’honore à sa manière et selon ce que son cœur lui dictera de plus tendre et de plus enflammé : nous ne donnerons point de bornes à son zèle. Tu n’as daigné nous parler que par la voix éclatante de la nature. Tout notre culte se réduit à t’adorer, à te bénir, à crier vers ton trône que nous sommes faibles, misérables, bornés, et que nous avons besoin de ton bras secourable. Si nous nous trompions, si quelque culte ancien ou moderne était plus agréable à tes yeux que le nôtre, ah ! daigne ouvrir nos yeux et dissiper les ténèbres de notre esprit ; tu nous trouveras fidèles à tes ordres. Mais si tu es satisfait de ces faibles hommages que nous savons être dus à ta grandeur, à ta tendresse vraiment paternelle, donnenous la confiance pour persévérer dans les sentiments respectueux qui nous animent. Conservateur du genre humain toi, qui l’embrasses d’un coup d’œil fais que la charité embrase de même les cœurs de tous les habitants de ce globe, qu’ils s’aiment tous comme frères, qu’ils t’adressent le même cantique d’amour et de reconnaissance ! Nous n’osons dans nos vœux limiter la durée de notre vie ; soit que tu nous enlèves de cette Terre, soit que tu nous y laisses, nous n’échapperons point à ton regard : nous ne te demandons que la vertu, dans la crainte d’aller contre tes impénétrables décrets ; mais, humbles, soumis et résignés à tes volontés, daigne, soit que nous passions par une mort douce, soit par une mort douloureuse, daigne nous attirer vers toi, source éternelle du bonheur. Nos cœurs soupirent après ta présence. Qu’il tombe ce vêtement mortel et que nous volions dans ton sein ! Ce que nous voyons de ta grandeur nous fait désirer d’en voir davantage. Tu as trop fait en faveur de l’homme, pour ne pas donner de l’audace à ses pensées : il n’élève vers toi des vœux si ardents que parce que ta créature se sent née pour tes bienfaits." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Jeune homme ! voilà le Dieu de l’univers qui se révèle à vous au milieu de ses ouvrages. Adorez le Dieu de ces mondes, ce Dieu dont le pouvoir étendu surpasse et la portée de la vue de l’homme et celle même de son imagination. Adorez ce Créateur, dont la majesté resplendissante est imprimée sur le front des astres qui obéissent à ses lois. En contemplant les prodiges échappés de sa main, sachez avec quelle magnificence84 il peut récompenser le cœur qui s’élèvera vers lui. N’oubliez point que parmi ses œuvres augustes, l’homme doué de la faculté de les apercevoir et de les sentir, tient le premier rang, et qu’enfant de Dieu il doit honorer ce titre respectable !", "Êtres faibles que nous sommes, placés entre deux infinis, opprimés de tout côté sous le poids de la grandeur divine, adorons en silence la même main qui alluma tant de soleils, imprima la vie et le sentiment à des atomes imperceptibles ! Sans doute, l’œil qui a composé la structure délicate du cœur, des nerfs, des fibres du ciron, lira sans peine dans les derniers replis de notre cœur. Quelle pensée intime peut se dérober à ce regard absolu devant lequel la Voie lactée ne paraît pas plus que la trompe de la mite ? Rendons toutes nos pensées dignes du Dieu qui les voit naître et qui les observe. Combien de fois dans le jour le cœur peut s’élancer vers lui et se fortifier dans son sein ! Hélas ! tout le temps de notre vie ne peut être mieux employé qu’à lui dresser au fond de notre âme un concert éternel de louanges et d’actions de grâces !" ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "voilà le contemporain de ce siècle malheureux. Il a entendu les cris de cette populace effrénée que soulevait ce David ; il a été témoin des fureurs de ce fanatisme absurde !", "ne crains rien, avance sous l’œil d’un Dieu, père universel des hommes. Au lieu de l’envisager avec effroi, adore sa bonté, espère en la clémence, aie la confiance d’un fils qui aime, et non la terreur d’un esclave qui tremble, parce qu’il est coupable." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "vous voyez qu’aucun homme, par la loi de nature n’est soumis à un autre homme, qu’aucun ne naît esclave, que les rois naissent hommes et non pas rois, qu’en un mot le genre humain n’a pas été créé pour faire les plaisirs de quelques familles. Le Tout-puissant même, selon la loi naturelle, ne veut point gouverner avec violence, mais sur des volontés libres. Vouloir rendre les hommes esclaves, c’est donc commettre une témérité envers l’Être Suprême, et exercer une tyrannie sur les hommes.", "je puis être plus fort que vous, et il n’y a ni droit ni gloire en cela ; la véritable force est l’équité, la vraie gloire est la grandeur d’âme. Je vous rends hommage comme à mon souverain, dépositaire de toutes les forces particulières : lorsque quelqu’un voudra me tyranniser, c’est vous qui devrez voler à mon secours ; je vous appellerai alors, et vous me sauverez de l’homme injuste et puissant… Le jeune prince commet-il quelque faute, quelqu’imprudence caractérisée ; le lendemain il voit cette faute à jamais gravée dans les nouvelles publiques212. Il s’étonne quelquefois, il s’indigne. On lui répond froidement : « il est un tribunal intègre et vigilant qui écrit chaque jour toutes les actions des princes. La postérité saura et jugera tout ce que vous aurez dit et fait ; il ne tient qu’à vous de la faire parler d’une manière honorable." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Il n’a qu’un estomac, comme un bouvier", "Ô Dieu ! si l’homme est malheureux, c’est par sa faute, c’est qu’il s’isole, c’est qu’il se concentre en lui-même. Notre activité se consume sur des objets futiles, et néglige ceux qui pourraient nous enrichir. En destinant l’homme à la société, la Providence a mis à côté de nos maux les secours dessinés à les soulager. Quelle plus étroite obligation que celle de nous secourir mutuellement ! N’est-ce pas là le vœu général du genre humain ? Pourquoi fut-il si fréquemment trompé ! Je vous le répète nos femmes font épouses et mères, et de ces deux vertus dérivent toutes les autres. Nos femmes se déshonoreraient, si elles se barbouillaient le visage de rouge, si elles prenaient du tabac, si elles buvaient des liqueurs, si elles veillaient, si elles avaient en bouche des chansons licencieuses, si elles hasardaient la moindre familiarité avec les hommes. Elles ont des armes plus sûres : la douceur, la modestie, les grâces simples, et cette décence noble qui est leur partage et leur véritable gloire225. Elles allaitent leurs enfants, sans croire faire un grand effort, et comme ce n’est point une grimace, leur lait est abondant et pur. On fortifie de bonne heure le corps de l’enfant : on lui enseigne à nager, à soulever des fardeaux, à lancer au loin avec justesse. L’éducation physique nous paraît importante. Nous formons son tempérament avant de rien graver dans sa tête : elle ne doit pas être celle d’un perroquet, mais celle d’un homme. La mère saisit l’aurore de ses jeunes pensées ; et dès que ses organes peuvent obéir à sa volonté, elle réfléchit de quelle manière elle doit former son âme à la vertu. Comme elle doit tourner son caractère sensible en humanité, son orgueil en grandeur d’âme, sa curiosité en connaissance de vérités sublimes ; elle songe aux fables touchantes dont elle doit se servir, non pour voiler la vérité, mais pour la rendre plus aimable, afin que son éclat éblouissant ne blesse point la faiblesse de son âme encore inexpérimentée. Elle veille sur tous les gestes, comme sur tous les mots qu’on prononce en sa présence, afin qu’aucuns d’eux ne puissent faire une trisse impression sur son cœur. C’est ainsi qu’elle le préserve du souffle du vice, qui ternit si précipitamment la fleur de l’innocence. L’éducation diffère parmi nous suivant l’emploi que l’enfant doit occuper un jour dans la société ; car, quoi que nous soyons délivrés du joug des pédants, il serait ridicule de lui faire apprendre ce qu’il doit oublier dans la suite. Chaque art a sa profondeur, et pour y exceller il faut s’y adonner tout entier. L’esprit de l’homme, malgré tous les secours récemment découverts, et les prodiges à part, ne peut embrasser qu’un objet. C’est assez qu’il s’y attache fortement, sans lui prescrire des incursions qui ne peuvent que le détourner. Ce n’était qu’un ridicule dans votre siècle, de vouloir être universel ; c’est parmi nous une folie. Dans un âge plus avancé, lorsque son cœur sentira les rapports qui l’unifient aux autres hommes, alors, au lieu de ces futiles connaissances qu’on entassait sans choix dans la tête d’un jeune homme, la mère, avec cette éloquence douce et naturelle qui appartient aux femmes, lui apprendra ce que c’est que mœurs, décence, vertu. Elle attendra le moment où la nature parée de tout son éclat parle au cœur le plus insensible, et lorsque le souffle libéral du printemps aura rendu leurs ornements aux forêts, aux vallons, aux campagnes : « mon fils, dira-t-elle en le pressant sur le sein maternel226, vois ces vertes prairies, ces arbres couronnés de superbes feuillages ; il n’y a pas longtemps qu’ils étaient comme morts, que dépouillés de leur brillante chevelure, ils étaient pétrifiés du froid qui resserrait les entrailles de la terre : mais il est un Être bon, qui est notre père commun, il n’abandonne point les enfants, il demeure dans les cieux, et de là il jette un regard paternel sur toutes ses créatures. À l’instant qu’il sourit, le Soleil darde ses flammes, les arbres fleurissent, la terre se couronne de présents, l’herbe naît pour la nourriture des bestiaux dont nous buvons le lait. Et pourquoi aimons-nous tant le Seigneur, ô mon cher enfant ! Écoute, c’est qu’il est puissant et bon. Tout ce que tu vois est l’œuvre de ses mains, et tu ne vois rien encore au prix de ce qui t’est caché. L’éternité, pour laquelle ton âme immortelle a été créée, sera pour toi une chaîne infinie de surprise et de joie. Ses bienfaits et sa grandeur n’ont point de bornes. Il nous chérit, parce qu’il est notre père. De jour en jour il nous fera si plus de bien, nous sommes vertueux, c’est-à-dire, si nous suivons ses lois, Eh ! mon fils, comment pourrions-nous nous défendre de l’adorer et de le bénir ?" ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "je remplirai les desseins du Créateur qui me l’a confié. Je serai sévère contre les passions funestes qui pourraient nuire à ton bonheur. À la tendresse d’une mère j’unirai la vigilance inflexible d’une amie", "Venez, me dit le maître de la maison en me prenant par la main nous ne passons pas les nuits à la lueur échauffante des bougies. Nous trouvons le soleil si beau, que chacun de nous se fait un plaisir de le voir dardant ses premiers feux sur l’horizon. Nous ne nous couchons pas l’estomac chargé afin d’avoir un sommeil laborieux, coupé de rêves bizarres. Nous veillons sur notre santé, parce que la gaieté de l’âme en dépend249. Pour se lever matin, il faut se coucher de bonne heure et de plus, nous aimons les songes légers et gracieux250." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "C’est parmi vous que je veux rester pour mon bonheur et pour le vôtre. Recevez-moi comme un de vos frères. Vous allez voir que je le suis, car je prétends vous sauver du plus affreux désastre. Ô peuple heureux qui vivez dans la simplicité de la nature savez-vous quels malheurs vous menacent ? Ces étrangers si polis que vous avez reçus, que vous avez comblés de présents et de caresses que je trahis en ce moment, si c’est les trahir que de prévenir la ruine d’un peuple vertueux ; ces étrangers, mes compatriotes, vont bientôt revenir et amèneront avec eux tous les fléaux qui affligent les autres contrées. Ils vous feront connaître des poisons et des maux que vous ignorez. Ils vous apporteront des fers, et dans leur cruel raisonnement ils voudront vous prouver encore que c’est pour votre plus grand bien. Voyez cette pyramide élevée, elle atteste déjà que cette terre est dans leur dépendance, comme marquée dans l’empire d’un souverain que vous ne connaissez pas même de nom. Vous êtes tous désignés pour recevoir des lois nouvelles. On fouillera votre sol ; on dépouillera vos arbres fruitiers ; on saisira vos personnes. Cette égalité précieuse qui règne parmi vous, sera détruite. Peutêtre le sang humain arrosera ces fleurs qui se courbent sous le poids de vos innocentes caresses. L’Amour est le dieu de cette Île. Elle est consacrée, pour ainsi dire, à son culte. La haine et la vengeance prendront sa place. Vous ignorez jusqu’à l’usage des armes ; on vous apprendra ce que c’est que la guerre, le meurtre et l’esclavage…", "Peuples, que j’aime et qui m’avez attendri ! Il est un moyen de vous conserver heureux et libre. Que tout étranger qui débarquera sur cette rive fortunée soit immolé au bonheur du pays. L’arrêt est cruel : mais l’amour de vos enfants et de votre postérité doit vous faire chérir cette barbarie. Vous frémiriez bien plus si je vous annonçais les horreurs que les Européens ont exercées contre des peuples qui, comme vous, avaient la faiblesse et l’innocence pour partage. Garantissez-vous de l’air contagieux qui sort de leur bouche. Tout, jusqu’à leur sourire, est le signal des infortunes dont ils méditent de vous accabler." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Je ne sais ce qu’est devenue la gazette de France. La nôtre est celle de la vérité, et l’on n’y commet jamais le péché d’omission. Le monarque réside au sein de la capitale. Il est là sous les regards de la multitude. Son oreille est toujours prête pour entendre ses cris. Il ne se cache point dans une espèce de désert, environné d’une foule d’esclaves dorés. Il demeure au centre de ses États, comme le soleil réside au milieu de l’univers. C’est un frein de plus qui le retient dans les bornes du devoir. Il n’a point d’autre organe pour apprendre ce qu’il doit savoir que cette voix universelle qui perce directement jusqu’à son trône. Gêner cette voix serait aller contre nos lois, car le monarque est l’homme du peuple, et le peuple ne lui appartient pas. d’un Paysan. Curieux de voir ce qu’était devenu ce Versailles, où j’avais vu d’un côté la splendeur des rois étaler le plus haut degré de l’opulence et de l’autre une race de commis, scribes insolents, pousser l’impertinente paresse aussi loin qu’elle pouvait monter, je rêvai, comme Josué, que j’arrêtais le cours du soleil : il penchait vers son déclin, il s’arrêta à ma prière comme au temps de ce général juif, et mon intention, je pense, était meilleure que la sienne. J’étais déjà dans la campagne, porté dans une voiture, laquelle n’était pas un pot-dechambre265. Il fallut faire un détour, parce que la grande route était changée. En passant par un village je vis une troupe de paysans, les yeux baissés et humides de larmes, qui entraient dans un temple. Ce spectacle me frappa. Je fis arrêter ma voiture et je les suivis. Je vis au milieu de la nef un vieillard décédé en habit de paysan ; et dont les cheveux blancs pendaient jusqu’à terre. Le pasteur du lieu monta sur une petite estrade et dit à la troupe assemblée : « Citoyens, L’homme que vous voyez, a été pendant quatre-vingt-dix ans le bienfaiteur des hommes. Il est né fils de Laboureur, et dès l’enfance ses mains faibles ont essayé de soulever le soc de la charrue. Il suivait son père dans les sillons, lorsqu’à peine son pied pouvait les franchir. Dès que l’âge lui eut donné les forces après lesquelles il soupirait, il a dit à son père reposez-vous et depuis, chaque soleil l’a vu labourer, semer, planter, recueillir. Il a défriché plus de deux mille arpents de terre. Il a planté la vigne dans tous ces environs ; et vous lui devez les arbres fruitiers qui nourrissent ce hameau, et l’ombrage qui le couronne. Ce n’était point l’avarice qui le rendait infatigable ; c’était l’amour du travail pour lequel il disait que l’homme était né, et l’idée sainte et grande que Dieu le regardait cultivant la terre pour nourrir ses enfants. Il s’est marié, et il a eu vingt-cinq enfants. Il les a tous formés au travail et à la vertu, et tous ses enfants sont d’honnêtes gens. Il leur a donné de jeunes épouses qu’il a conduites lui-même en souriant à l’autel du bonheur. Tous ses petits enfants ont été élevés dans sa maison ; et vous savez quelle joie pure, inaltérable, habitait sur leur front. Tous ces frères s’aiment entre eux, parce qu’il aimait lui-même et qu’il leur a fait sentir qu’il était doux de s’aimer. Aux jours de fêtes, il était le premier à faire raisonner les instruments champêtres ; et son regard, sa voix, son geste, vous le savez, étaient le signal de l’allégresse universelle. Vous n’avez pas oublié sa gaieté, vive émanation d’une âme pure, et ses paroles pleines de sens et de sel : ayant le don d’exercer une raillerie ingénieuse, il n’a jamais offensé. À qui a-t-il refusé de rendre quelque service ? En quelle occasion s’est-il jamais montré insensible au malheur public ou particulier ? Quand a-t-il été indifférent lorsqu’il s’agissait de la patrie ? Son cœur était à elle : son image était l’âme de ses entretiens ; il ne parlait que pour sa prospérité ; il chérissait l’ordre par le sentiment intime qu’il avait de la vertu. Vous l’avez vu, lorsque l’âge avait courbé son corps, et que ses jambes étaient déjà chancelantes ; vous l’avez vu monter au sommet des montagnes et distribuer les leçons d’expérience aux jeunes agriculteurs. Sa mémoire était le sûr dépôt des observations faites pendant quatre-vingts années consécutives sur la variété des diverses saisons. Tel arbre planté de ses mains, dans telle ou telle année, lui rappelait la faveur ou le courroux du ciel. Il savait par cœur ce que les hommes oublient ; les morts, les récoltes abondantes, les legs faits aux pauvres. Il était doué comme d’un esprit prophétique, et lorsqu’il méditait au clair de la Lune, il savait de quelle semence il devait enrichir le jardin potager. La veille de sa mort il a dit : mes enfants, j’approche de l’Être, auteur de tout bien, que j’ai toujours adoré et en qui j’espère : émondez demain vos poiriers, et qu’au coucher du soleil on m’enterre à la tête de mon champ. Vous allez l’y placer, enfants, qui devez l’imiter ; mais avant d’ensevelir ces cheveux blancs qui de loin imprimaient le respect et attiraient la jeunesse, voyez ses mains honorables, chargées de durillons ; voilà l’auguste empreinte de ses longs travaux !", "Il faut multiplier les impôts de toutes sortes, parce que le prince ne saurait jamais être assez riche, attendu qu’il est obligé d’entretenir des armées, et les officiers de sa maison qui doit être absolument très magnifique. Si le peuple surchargé élève des plaintes, le peuple aura tort, et il faudra le réprimer. On ne saurait être injuste envers lui, parce que dans le fond il ne possède rien que sous la bonne volonté du prince qui peut lui redemander en temps et lieu ce qu’il a eu la bonté de lui laisser, surtout lorsqu’il en a besoin pour l’intérêt ou la splendeur de sa couronne. D’ailleurs il est notoire qu’un peuple qu’on abandonne à l’aisance est moins laborieux et peut devenir insolent. Il faut retrancher à son bonheur pour ajouter à sa soumission. La pauvreté des sujets fera toujours le plus fort rem- ront de richesses, plus la nation sera obéissante : une fois pliée au devoir, elle le suivra par habitude, ce qui est la manière la plus sûre d’être obéi. Ce n’est point assez d’être soumise, elle doit croire qu’ici réside l’esprit de sagesse en toute sa plénitude, et se soumettre par conséquent sans oser raisonner à nos décrets émanés de notre certaine science." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Gardez-vous de croire ces sinistres conseillers ; vous êtes environné des ennemis de votre famille. Votre grandeur, votre sûreté sont moins fondées sur votre puissance absolue que sur l’amour de votre peuple. S’il est malheureux, il souhaitera plus ardemment une révolution, et il ébranlera votre trône ou celui de vos enfants. Le peuple est immortel, et vous devez passer. La majesté. du trône réside plus dans une tendresse vraiment paternelle que dans un pouvoir illimité. Ce pouvoir est violent, et contre la nature des choses. Plus modéré, vous ferez plus puissant. Donnez l’exemple de la justice et croyez que les princes qui ont une morale sont plus forts et plus respectés.", "Hélas ! dit le sage vieillard : on connaissait encore la gaieté, il y a dix ans ; mais aujourd’hui les plus grands besoins exténuent le pauvre, attristent son âme, et l’extrême misère qu’il combat chaque jour avec courage le mène lentement au tombeau. Tout souffre…" ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "dites-moi, je vous prie, qu’est-ce que misère ? « Le philosophe soupira, se tut et le remit dans le chemin de son palais. Le Huron ou l’Ingénu, Roman de Voltaire, un des mieux faits qui soient sortis de sa plume. Le Huron enfermé à la bastille avec un janséniste est la chose du monde la plus ingénieusement imaginée. Le préjugé est toujours à la droite du trône, prêt à couler ses erreurs dans l’oreille des rois. La vérité timide doute de la victoire qu’elle peut remporter sur eux et attend qu’on lui fasse signe pour approcher ; mais sa bouche parle un langage si étrange qu’on revient au fantôme trompeur qui possède à fond la langue du pays. Rois apprenez l’idiome sévère et philosophique de la vérité ! C’est en vain que vous la chérirez, si vous ne savez pas l’entendre. Les hommes ont une disposition naturelle au despotisme, parce que rien n’est plus commode que de remuer le bout de la langue pour être obéi. On connaît ce sultan qui voulait qu’on lui récitait des histoires amusantes, sous peine d’être étranglé. D’autres tiennent à peu près le même langage, et disent à leurs peuples divertissez-moi, et mourez de faim. Garnier fait dire à Nabuchodonosor, enflé de sa puissance et de ses victoires : Qu’est-il, ce Dieu, qui commande à la pluie, aux vents, aux tempêtes ? Sur qui règne-t-il ? Sur des mers, sur des rochers, etc. Insensibles sujets, moi je commande aux hommes. Je suis l’unique Dieu de la terre où nous sommes. Les Grecs et les Romains ont éprouvé des sensations beaucoup plus vives que les nôtres. Une religion toute sensible, des affaires fréquentes qui tenaient au grand intérêt de la république, un appareil imposant, sans être fastueux, les acclamations du peuple, les assemblées de la nation, les harangues publiques, quelle source intarissable de plaisirs ! Il semble, auprès de ces gens-là, que nous ne faisions que languir et presque que nous ne vivions pas. Qu’il sera doux quand les ans auront blanchi nos cheveux, de pouvoir nous reposer en nous rappelant des actions d’humanité et de bienfaisance, semées dans le cours de notre vie ! Tous, tant que nous sommes, il ne nous restera alors que le sentiment d’avoir été vertueux, ou la honte et le tourment du vice. La prodigalité est également à redouter. Un jeune prince refuse quelquefois parce qu’il a en lui la valeur dé ses refus ; mais le vieillard accorde toujours, car il n’a pas de quoi remplir le vide de ses grâces. Je voudrais qu’un prince fût quelquefois curieux de savoir quelle est l’idée du public sur son compte, il apprendrait dans un quart-d’heure de quoi méditer le reste de sa vie. Tu dis : « je ne redoute point l’épée des hommes, je suis brave.", "Je n’envie à aucun de vous cette puissance que Dieu vous a donnée ; mais une chose dont je puis me vanter, c’est que dans mon petit État, à toute heure du jour je puis marcher seul et en sûreté. Je m’enfonce quelquefois dans un bois ; je m’endors sous un arbre et tranquille, au milieu de mon peuple je ne redoute ni le fer d’un assassin ni le glaive d’un vengeur. La plupart de nos guerres ne viennent, comme on sait, que de ces alliances prétendues politiques. Si du moins une bonne fois l’Europe et l’Afrique pouvaient épouser l’Asie et l’Amérique, à la bonne heure. Dois-je rappeler ici la nuit horrible du 30 mars 1770 ? Elle accusera éternellement notre police, qui favorise uniquement les riches, qui protège le luxe barbare des voitures. Ce sont elles qui ont occasionné cet affreux désastre. Mais s’il ne sort pas de cet accident épouvantable une ordonnance sévère qui rende au citoyen l’usage du pavé sans encombre, qu’espérer d’autres maux plus enracinés et plus difficiles à guérir ? Près de huit-cent personnes sont mortes des suites de cette presse effroyable ; et six semaines après on n’en a plus parlé ! J’ai lu dans une pièce de vers ceux-ci : Ces rois enorgueillis de leur grandeur suprême, Ce sont des mendiants que couvre un diadème. En effet ils demandent sans cesse, et c’est le peuple qui paye la robe de l’auguste mariée, le festin, le feu d’artifice, la broderie du lit nuptial ; et dès que le poupon royal sera né, chacun de ses cris se métamorphosera en nouveaux édits. Une femme d’Athènes demandait à une Lacédémonienne ce qu’elle avait apporté en dot à son mari." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "La chasteté, répondit-elle. Quelle indécence, quelle monstruosité que de voir un père fatiguer vingt tribunaux animé par l’orgueil barbare de ne point céder sa fille à un homme, parce qu’il la destinait secrètement à un autre ; oser alors citer des ordonnances civiles, tandis qu’il oublie les lois les plus sacrées de la nature qui lui défendent d’accabler une fille infortunée sur laquelle il n’a d’autre autorité légitime que celle de l’accabler de bienfaits. Une chose tristement remarquable dans ce malheureux siècle, c’est que les mauvais pères ont surpassé le nombre des enfants dénaturés. Où est la source du mal ? Hélas, dans nos lois ! La nature a destiné les femmes aux fonctions intérieures de la maison, et à des foins partout d’une même espèce. Elle a semé beaucoup moins de variété dans leur caractère que dans celui des hommes. Presque toutes les femmes se ressemblent : elles n’ont qu’un but, et il se manifeste dans tous les pays par des effets semblables. Une femme est bien mal-habile de vouloir montrer de l’esprit à tout propos. Elle devrait, au contraire, mettre tout son art à le cacher. En effet que cherchons-nous, nous autres hommes ? De l’innocence, de l’ingénuité, une âme neuve, simple, franche, une intéressante timidité. Une femme qui fait briller son savoir semble donc vous dire : « Messieurs, attachez-vous à moi ; j’ai de l’esprit ; je serai plus perfide, plus fausse, plus artificieuse qu’une autre.", "Messieurs, nous mourons de soif en vous servant ; permettez que nous fassions à chacun de vous une légère incision ; nous ne vous demandons qu’une goutte de limonade pour rafraîchir notre palais altéré : vous n’en serez pas plus maigres, et nous et nos enfants nous puiserons de nouvelles forces pour avoir l’honneur de vous servir" ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Nous vous avons élevés au-dessus de nos têtes nous avons engagé nos biens et notre vie à la splendeur de votre trône et à la sûreté de votre personne. Vous nous aviez promis en échange de nous procurer l’abondance, de nous faire couler des jours sans alarmes. Qui l’aurait cru, que sous votre gouvernement la joie eût disparu de nos cantons, que nos fêtes se fussent tournées en deuil, que la crainte et l’effroi eussent succédé à la douce confiance ! Autrefois nos campagnes verdoyantes souriaient à nos yeux ; nos champs nous promettaient de payer nos travaux. Aujourd’hui le fruit de nos sueurs passe dans des mains étrangères ; nos hameaux que nous nous plaisions à embellir, tombent en ruine ; nos vieillards, nos enfants ne savent plus où reposer leurs têtes : nos plaintes se perdent dans les airs, et chaque jour une pauvreté plus extrême succède à celle sous laquelle nous gémissions la veille. À peine nous reste-t-il quelque trait de la figure humaine ; et les animaux qui broutent l’herbe, sont, sans doute, moins malheureux que nous. Des coups plus sensibles sont venus fondre sur notre tête. L’homme puissant nous méprise et ne nous attribue aucun sentiment d’honneur ; il vient nous troubler sous le chaume, il séduit l’innocence de nos filles, il les enlève ; elles deviennent la proie de l’impudence. En vain implorons-nous le bras qui tient le glaive des lois : il se détourne, il se refuse à notre douleur ; il ne se prête qu’à ceux qui nous oppriment. L’aspect du faste qui insulte à notre misère, rend notre état plus insupportable. On hait notre sang, et on nous défend la plainte ! L’homme dur, environné d’un luxe insolent, s’enorgueillit des ouvrages qu’ont fabriqué nos mains : il oublie notre propre industrie, tandis qu’il n’a en partage que la fois vile de l’or ; il nous croit ses esclaves, parce que nous ne sommes ni furieux ni sanguinaires. Les besoins renaissants qui nous tourmentent, ont altéré la douceur de nos mœurs la mauvaise foi et la rapine se sont glissées parmi nous, parce que la nécessité de vivre l’emporte ordinairement sur la vertu. Mais qui nous a donné l’exemple, de la rapine ? Qui a éteint dans nos cœurs ce fond de candeur qui nous liait tous dans une parfaite concorde ? Qui a fait notre infortune, mère de nos vices ? Plusieurs de nos concitoyens ont refusé de mettre au jour des enfants que la famine viendrait saisir au berceau. D’autres, dans leur désespoir, ont blasphémé contre la Providence. Quels font les vrais auteurs de ces crimes ? Que nos justes plaintes percent l’atmosphère qui environne les trônes ! Que les rois se réveillent et se souviennent qu’ils pouvaient naître à notre place, et que leurs enfants pourront y descendre ! Attachés au sol de la patrie, ou plutôt en formant la partie essentielle, nous ne pouvons point nous dispenser de fournir à ses besoins. Ce que nous demandons, c’est un homme équitable qui s’applique à connaître la mesure de nos forces, et qui ne nous écrase pas sous le fardeau que dans une plus juste proportion nous aurions porté avec joie. Alors tranquilles et riches de notre économie, contents de notre fort, nous verrons le bonheur des autres sans nulle inquiétude sur le nôtre. La moitié de notre carrière est plus que remplie. Notre cœur est à moitié livré à la douleur. Nous n’avons que peu d’instants à vivre. Les vœux que nous formons sont plus pour la patrie que pour nous-mêmes. Nous sommes ses soutiens. Mais si l’oppression va toujours en croissant, nous succomberons, et la patrie se renversera : en tombant elle écrasera nos tyrans. Nous ne demandons point cette vaine et triste vengeance. Que nous importeront dans la tombe le malheur d’autrui ? Nous parlons aux souverains, s’ils sont encore hommes : mais il leur cœur totalement endurci ils apprendront que nous savons mourir, et que la mort qui bientôt nous enveloppera tous, sera un jour bien plus affreuse pour eux qu’elle ne le sera pour nous. Cette Note est en partie tirée d’un livre intitulé : les Hommes. Je vis un jour un prince faire son entrée dans une ville étrangère. Les canons commencèrent à tonner. Le prince était habillé magnifiquement et traîné dans un char doré, surchargé de pages et de laquais. Les chevaux sautaient en hennissant, comme s’ils conduisaient le bonheur. Les toits étaient couverts de monde toutes les fenêtres étaient levées, chaque pavé portait son homme ; les cavaliers faisaient briller leurs sabres, les soldats agitaient leurs fusils. L’air frémissait de l’écho des trompettes. Le poète accordait sa lyre, et l’orateur attendait qu’il mît pied à terre. Le prince arrive, il est conduit au palais, et son aspect inspire une joie respectueuse. J’étais à une fenêtre, et je considérais toutes ces choses en faisant des réflexions particulières. Quelques jours après je marchais dans les rues, et je fus fort étonné d’y rencontrer le même prince, sans suite, à pied et déguisé. Je ne sais trop pourquoi, personne ne faisait attention à lui ; au contraire, il se trouvait heurté à chaque pas. Au même instant arrive un charlatan, assis sur une espèce de petit char attelé de plusieurs gros chiens et ayant un singe pour postillon. Les fenêtres de s’ouvrir, les cris de s’élever, tous les regards de se confondre sur le charlatan. Le prince luimême entraîné par la foule devient un de ses admirateurs. Je le considérais alors, et il me semblait lui entendre dire : Fumée des acclamations de la multitude, n’obscurcissez jamais mon esprit d’un fol orgueil. Ce n’est point cet homme qui fait courir le peuple, c’est son étrange équipage. Ce n’était pas moi qui attirais les regards de la ville : c’étaient mes valets, mes chevaux, le brillant de mes habits et la dorure de mes carrosses. 232 En Turquie et aujourd’hui en France un gouverneur est aussi maître que le roi le plus absolu : c’est ce qui fait la misère des peuples. Voilà la forme la plus malheureuse de l’administration civile. Fouquet disait : « j’ai tout l’argent du royaume, et le tarif de toutes les vertus.", "Les choses me paraissent un peu changées, dis-je à mon guide ; je vois que tout le monde est vêtu d’une manière simple et modeste, et depuis que nous marchons je n’ai pas encore rencontré sur mon chemin un seul habit doré : je n’ai distingué ni galons, ni manchettes à dentelle. De mon temps un luxe puéril et ruineux avait dérangé toutes les cervelles ; un corps sans âme était surchargé de dorure et l’automate alors ressemblait à un homme. — C’est justement ce qui nous a porté à mépriser cette ancienne livrée de l’orgueil. Notre œil ne s’arrête point à la surface. Lorsqu’un homme s’est fait connaître pour avoir excellé dans son art, il n’a pas besoin d’un habit magnifique ni d’un riche ameublement pour faire passer son mérite ; il n’a besoin ni d’admirateurs qui le prônent, ni de protecteurs qui l’étayent : ses actions parlent, et chaque citoyen s’intéresse à demander pour lui la récompense qu’elles méritent. Ceux qui courent la même carrière que lui, sont les premiers à solliciter en sa faveur. Chacun dresse un placet, où sont peints dans tout leur jour les services qu’il a rendus à l’État. Le Monarque ne manque point d’inviter à sa cour cet homme cher au peuple. Il converse avec lui pour s’instruire ; car il ne pense pas que l’esprit de sagesse soit inné en lui. Il met à profit les leçons lumineuses de celui qui a pris quelque grand objet pour but principal de ses méditations. Il lui fait présent d’un chapeau où son nom est brodé ; et cette distinction vaut bien celle des rubans bleus, rouges et jaunes, qui chamarraient jadis des hommes absolument inconnus à la patrie24. Vous pensez bien qu’un nom infâme n’oserait se montrer devant un public dont le regard le démentirait. Quiconque porte un de ces chapeaux honorables, peut passer partout ; en tout temps il a un libre accès au pied du Trône, et c’est une loi fondamentale. Ainsi, lorsqu’un prince ou un duc n’ont rien fait pour faire broder leur nom, ils jouissent de leurs richesses, mais ils n’ont aucune marque d’honneur ; on les voit passer du même œil que le citoyen obscur qui se mêle et se perd dans la foule. La politique et la raison autorisent à la fois cette distinction : elle n’est injurieuse que pour ceux qui se sentent incapables de jamais s’élever. L’homme n’est pas assez parfait pour faire le bien, pour le seul honneur d’avoir bien fait. Mais cette noblesse, comme vous le pensez bien, est personnelle, et non héréditaire ou vénale. À vingt-et-un ans le fils d’un homme illustre se présente, et un tribunal décide s’il jouira des prérogatives de son père. Sur sa conduite passée, et quelquefois sur les espérances qu’il donne, on lui confirme l’honneur d’appartenir à un citoyen cher à sa patrie. Mais si le fils d’un Achille est un lâche Thersite, nous détournons les yeux, nous lui épargnons la honte de rougir à notre vue il descend dans l’oubli à mesure que le nom de son père devient plus glorieux. De votre temps on savait punir le crime, et l’on n’accordait aucune récompense à la vertu ; c’était une législation bien imparfaite. Parmi nous, l’homme courageux qui a sauvé la vie à un citoyen dans quelque danger25, qui a prévenu quelque malheur public, qui a fait quelque chose de grand et d’utile, porte le chapeau brodé, et son nom respectable exposé aux yeux de tous, marche avant celui qui possède la plus belle fortune, fut-il Midas ou Plutus26. — Cela est fort bien imaginé. De mon temps on donnait des chapeaux, mais ils étaient rouges on allait les chercher au-delà des mers ; ils ne signifiaient rien ; on les ambitionnait singulièrement, et je ne sais trop à quel titre on les recevait." ] }
44
2440, Rêve s’il en fût jamais
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais, quel est, s’il vous plaît, cet homme que je vois passer, un masque sur le visage ? Comme il marche précipitamment ; il semble fuir. — C’est un auteur qui a écrit un mauvais livre. Quand je dis mauvais, je ne parle pas des défauts de style ou d’esprit : on peut faire un excellent ouvrage avec un gros bon sens42. Nous disons seulement qu’il a mis au jour des principes dangereux, opposés à la fine morale, à cette morale universelle qui parle à tous les cœurs. Pour réparation il porte un masque, afin de cacher sa honte jusqu’à ce qu’il l’ait effacée en écrivant des choses plus raisonnées et plus sages. Chaque jour deux citoyens vertueux vont lui rendre visite, combattre ses opinions erronées avec les armes de la douceur et de l’éloquence, écouter ses objections, y répondre, et l’engager à se rétracter dès qu’il sera convaincu. Alors il sera réhabilité ; il tirera de l’aveu même de sa faute une plus grande gloire : car qu’y a-t-il de plus beau que d’abjurer ses erreurs43 et d’embrasser une lumière nouvelle avec une noble Sincérité ! — Mais son livre aurait-il été approuvé ? — Quel est l’homme, je vous prie, qui oserait juger un livre avant le public ? Qui peut deviner l’influence de telle pensée dans telle circonstance ? Chaque écrivain répond en personne de ce qu’il écrit, et ne déguise jamais son nom. C’est le public qui le frappe d’opprobre, s’il contredit les principes sacrés qui servent de base à la conduite et à la probité des hommes ; mais c’est lui en même temps qui le soutient s’il a avancé quelque vérité neuve, propre à réprimer certains abus : enfin la voix publique est seule juge dans ces sortes de cas, et c’est elle qu’on écoute. Tout auteur, qui est un homme public, est jugé par cette voix générale, et non par les caprices d’un homme qui rarement aura le coup d’œil assez juste, assez étendu pour découvrir ce qui devant la nation sera véritablement digne de louange ou de blâme. On l’a tant de fois prouvé : la liberté de la presse est la vraie mesure de la liberté civile44. On ne peut donner atteinte à l’une sans détruire l’autre. La pensée doit avoir son plein effet. Y mettre un frein, vouloir l’étouffer dans son sanctuaire, c’est un crime de lèse-humanité. Et qui m’appartiendra donc, si ma pensée n’est pas à moi ? — Mais, repris-je, de mon temps les hommes en place ne redoutaient rien tant que la plume des bons écrivains. Leur âme orgueilleuse et coupable frémissait dans ses derniers replis, dès que l’équité osait dévoiler ce qu’ils n’avaient pas rougi de commettre45. Au lieu de protéger cette censure publique, qui bien administrée aurait été le frein le plus puissant du crime et du vice, on condamna tous les écrits à passer par un crible ; mais le crible était si étroit si serré, que souvent les meilleurs traits étaient perdus : les élans du génie étaient subordonnés au ciseau cruel de la médiocrité, qui lui coupait les ailes sans miséricorde46. On se mit à rire autour de moi. — Ce devait, me dit-on, être une chose fort plaisante que de voir des gens gravement occupés à couper une pensée en deux, et à peser des syllabes. Il est bien étonnant que vous ayez produit quelque chose de bon avec de pareilles entraves. Comment danser avec grâce et légèreté sous le poids énorme des chaînes ? — Oh ! nos meilleurs écrivains ont pris le", "Tenez, voilà par exemple un saint vivant qui passe ; cet homme simplement vêtu d’une robe violette, se soutenant sur un bacon, et dont la démarche et le regard n’annoncent ni ostentation ni modestie affectée, c’est notre prélat. — Quoi ! votre prélat à pied ? — Oui, à l’imitation du premier des apôtres. On lui a donne cependant depuis peu une chaise à porteurs, mais il ne s’en sert que dans la plus grande nécessité. Son revenu coule presque en entier dans le sein des pauvres : avant de répandre ses bienfaits, il ne s’informe pas si un homme est attaché à ses opinions particulières ; il distribue des secours à tous les malheureux : il suffit qu’ils soient hommes. Il n’est point entêté, point fanatique, point opiniâtre, point persécuteur ; il n’abuse point d’une autorité sacrée pour se croire au niveau du trône. Son œil est toujours serein, image de cette âme douce, égale et paisible, qui ne met de chaleur et d’activité que dans l’emploi de faire le bien. Il dit souvent à ceux qu’il rencontre : Mes amis, la charité, comme dit St. Paul, marche avant la foi. Soyez bienfaisants, et vous aurez accompli la loi. Reprenez votre prochain s’il s’égare, mais sans orgueil, sans aigreur. Ne tourmentez personne au sujet de sa croyance, et gardez-vous de vous préférer dans le fond du cœur à celui que vous voyez commettre une faute, car demain vous serez peut-être plus coupable que lui. Ne prêchez que d’exemple. N’allez point mettre au nombre de vos ennemis un homme qui disposerait absolument de sa pensée. Le fanatisme, dans sa cruelle opiniâtreté, a déjà fait trop de mal pour ne pas redouter et prévenir jusqu’à ses moindres apparences. Ce monstre parait d’abord flatter l’orgueil humain et agrandir l’âme qui lui donne accès mais bientôt il a recours à la ruse, à la perfidie, à la cruauté ; il foule aux pieds toute vertu, et devient le plus terrible fléau de l’humanité. Mais, lui dis-je, quel est ce magistrat au port vénérable qui l’arrête et avec qui il converse avec tant d’amitié ? — C’est un des pères de la patrie, c’est le chef du Sénat qui emmène notre patriarche dîner avec lui. Dans leur sobre et court repas, il sera plus d’une fois question du pauvre indigent, de la veuve, de l’orphelin et des moyens de soulager leurs maux. Tel est l’intérêt qui les rassemble et qu’ils traitent avec le plus beau zèle ; ils n’entrent jamais dans la vaine discussion de ces antiques et risibles prérogatives qui exerçaient si puérilement les esprits graves de votre temps." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mademoiselle Albertine est partie", "Aie une seconde de patience, on va te trouver un remède, sois tranquille, on ne va pas te laisser souffrir comme cela." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Tout cela n’a aucune importance parce que je vais la faire revenir tout de suite. Je vais examiner les moyens, mais de toute façon elle sera ici ce soir. Par conséquent inutile de se tracasser.", "Tout cela n’a aucune importance" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Tout cela ne signifie rien, me dis-je, c’est même meilleur que je ne pensais, car comme elle ne pense rien de tout cela, elle ne l’a évidemment écrit que pour frapper un grand coup, afin que je prenne peur et ne sois plus insupportable avec elle. Il faut aviser au plus pressé: qu’Albertine soit rentrée ce soir. Il est triste de penser que les Bontemps sont des gens véreux qui se servent de leur nièce pour m’extorquer de l’argent. Mais qu’importe? Dussé-je, pour qu’Albertine soit ici ce soir, donner la moitié de ma fortune à Mme Bontemps, il nous restera assez, à Albertine et à moi, pour vivre agréablement.", "Même si l’adhésion de Mme Bontemps ne suffit pas, si Albertine ne veut pas obéir à sa tante et pose comme condition de son retour qu’elle aura désormais sa pleine indépendance, eh bien! quelque chagrin que cela me fasse, je la lui laisserai; elle sortira seule, comme elle voudra. Il faut savoir consentir des sacrifices, si douloureux qu’ils soient, pour la chose à laquelle on tient le plus et qui, malgré ce que je croyais ce matin d’après mes raisonnements exacts et absurdes, est qu’Albertine vive ici." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Ce retour, elle-même le désire sûrement; elle n’exige nullement cette liberté à laquelle d’ailleurs, en lui offrant chaque jour des plaisirs nouveaux, j’arriverais aisément à obtenir, jour par jour, quelque limitation. Non, ce qu’Albertine a voulu, c’est que je ne sois plus insupportable avec elle, et surtout – comme autrefois Odette avec Swann – que je me décide à l’épouser. Une fois épousée, son indépendance, elle n’y tiendra pas; nous resterons tous les deux ici, si heureux.", "Albertine a, d’ailleurs, parfaitement raison dans cette question de mariage. Maman elle-même trouvait tous ces retards ridicules. L’épouser, c’est ce que j’aurais dû faire depuis longtemps, c’est ce qu’il faudra que je fasse, c’est cela qui lui a fait écrire sa lettre dont elle ne pense pas un mot; c’est seulement pour faire réussir cela qu’elle a renoncé pour quelques heures à ce qu’elle doit désirer autant que je désire qu’elle le fasse: revenir ici. Oui, c’est cela qu’elle a voulu, c’est cela l’intention de son acte" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mademoiselle Albertine est partie.", "Non, cela ne peut plus durer ainsi" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "M. X. est venu hier pour me voir", "Attends toujours signe pour aller chez le marquis de Saint-Loup, prévenez demain par coup de téléphone" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Adieu, petit, adieu, petit.", "Adieu, Françoise" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mademoiselle Albertine a demandé ses malles, Mademoiselle Albertine est partie", "Albertine a demandé ses malles" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Albertine est partie", "Inutile, n’est-ce pas, d’envisager l’hypothèse où elle partirait brusquement. C’est absurde. Si je la confiais à un homme sensé et intelligent (et je l’aurais fait pour me tranquilliser si la jalousie ne m’eût empêché de faire des confidences), il me dirait sûrement: « Mais vous êtes fou. C’est impossible." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mademoiselle Albertine est partie.", "l’être de fuite" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais la jeune fille dont tu parles me connaît donc?", "ce qu’il aurait fallu" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais elle habite ici", "Oh! tu sais, ne te fais pas d’idées, d’abord la photo est mauvaise, et puis elle n’est pas étonnante, ce n’est pas une beauté, elle est surtout bien gentille." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Oh! si, elle doit être merveilleuse", "Je lui en veux de te faire mal, mais aussi c’était bien à supposer qu’un être artiste jusqu’au bout des ongles comme toi, toi qui aimes en tout la beauté et d’un tel amour, tu étais prédestiné à souffrir plus qu’un autre quand tu la rencontrerais dans une femme." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle est sûrement merveilleuse", "C’est ça la jeune fille que tu aimes?" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Notre mal ne vaut pas un seul de ses regards", "Comment, c’est pour ça qu’il a pu se faire tant de bile, tant de chagrin, faire tant de folies!" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Rachel Quand du Seigneur", "Ce que j’ai aimé, ce qui m’a fait souffrir, ce que j’ai sans cesse vu, c’est ceci." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Tu es sûr, me dit Robert, que je peux offrir comme cela à cette femme trente mille francs pour le comité électoral de son mari? Elle est malhonnête à ce point-là? Si tu ne te trompes pas, trois mille francs suffiraient.", "Non, je t’en prie, n’économise pas pour une chose qui me tient tant à cœur. Tu dois dire ceci, où il y a du reste une part de vérité: « Mon ami avait demandé ces trente mille francs à un parent pour le comité de l’oncle de sa fiancée. C’est à cause de cette raison de fiançailles qu’on les lui avait donnés. Et il m’avait prié de vous les porter pour qu’Albertine n’en sût rien. Et puis voici qu’Albertine le quitte. Il ne sait plus que faire. Il est obligé de rendre les trente mille francs s’il n’épouse pas Albertine. Et s’il l’épouse, il faudrait qu’au moins pour la forme elle revînt immédiatement, parce que cela ferait trop mauvais effet si la fugue se prolongeait." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Enfin, comme tu voudras; si j’ai une avanie, je l’accepte d’avance pour toi. Et puis cela a beau me paraître un peu drôle, ce marché si peu voilé, je sais bien que dans notre monde il y a des duchesses, et même des plus bigotes, qui feraient pour trente mille francs des choses plus difficiles que de dire à leur nièce de ne pas rester en Touraine. Enfin je suis doublement content de te rendre service, puisqu’il faut cela pour que tu consentes à me voir. Si je me marie, ajouta-t-il, est-ce que nous ne nous verrons pas davantage, est-ce que tu ne feras pas un peu de ma maison la tienne?...", "J’ai répondu du tac au tac, j’ai agi." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "J’ai dîné avec M. Bontemps, me dit-il, et comme j’ai une certaine influence sur lui, je lui ai dit que je m’étais attristé que sa nièce ne fût pas plus gentille avec toi, qu’il fallait qu’il lui adressât des prières en ce sens.", "Nous ne mangeons pas de ce pain-là" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Une autre fois, il faut être plus adroit. Dame, on ne fait pas des levages aussi brusquement que ça, ou ça rate. D’ailleurs vous trouverez partout des petites filles mieux que celle-là et pour bien moins cher. La somme était follement exagérée.", "la réussite est sûre" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Advienne que pourra", "ma décision est irrévocable" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Il n’y a pas de lettres", "Est-ce qu’il y a un télégramme?" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Ces dames sont parties pour trois jours.", "Ce n’est qu’une affaire de temps, avant la fin de la semaine elle sera là." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle ne reviendra jamais", "seul amour de mon âme" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "avait cru l’esclavage", "Mon ami, vous avez envoyé votre ami SaintLoup à ma tante, ce qui était insensé. Mon cher ami, si vous aviez besoin de moi pourquoi ne pas m’avoir écrit directement? J’aurais été trop heureuse de revenir; ne recommencez plus ces démarches absurdes." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "J’aurais été trop heureuse de revenir!", "Comme nous allons être heureux!" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mon amie, j’allais justement vous écrire, et je vous remercie de me dire que, si j’avais eu besoin de vous, vous seriez accourue; c’est bien de votre part de comprendre d’une façon aussi élevée le dévouement à un ancien ami, et mon estime pour vous ne peut qu’en être accrue. Mais non, je ne vous l’avais pas demandé et ne vous le demanderai pas; nous revoir, au moins d’ici bien longtemps, ne vous serait peut-être pas pénible, jeune fille insensible. À moi que vous avez cru parfois si indifférent, cela le serait beaucoup. La vie nous a séparés. Vous avez pris une décision que je crois très sage et que vous avez prise au moment voulu, avec un pressentiment merveilleux, car vous êtes partie le jour où je venais de recevoir l’assentiment de ma mère à demander votre main. Je vous l’aurais dit à mon réveil, quand j’ai eu sa lettre (en même temps que la vôtre). Peut-être auriez-vous eu peur de me faire de la peine en partant là-dessus. Et nous aurions peut-être lié nos vies par ce qui aurait été pour nous, qui sait? le pire malheur. Si cela avait dû être, soyez bénie pour votre sagesse. Nous en perdrions tout le fruit en nous revoyant. Ce n’est pas que ce ne serait pas pour moi une tentation. Mais je n’ai pas grand mérite à y résister. Vous savez l’être inconstant que je suis et comme j’oublie vite. Vous me l’avez dit souvent, je suis surtout un homme d’habitudes. Celles que je commence à prendre sans vous ne sont pas encore bien fortes. Évidemment, en ce moment, celles que j’avais avec vous et que votre départ a troublées sont encore les plus fortes. Elles ne le seront plus bien longtemps. Même, à cause de cela, j’avais pensé à profiter de ces quelques derniers jours où nous voir ne serait pas encore pour moi ce que ce sera dans une quinzaine, plus tôt peut-être (pardonnez-moi ma franchise): un dérangement, – j’avais pensé à en profiter, avant l’oubli final, pour régler avec vous de petites questions matérielles où vous auriez pu, bonne et charmante amie, rendre service à celui qui s’est cru cinq minutes votre fiancé. Comme je ne doutais pas de l’approbation de ma mère, comme, d’autre part, je désirais que nous ayons chacun toute cette liberté dont vous m’aviez trop gentiment et abondamment fait un sacrifice qui se pouvait admettre pour une vie en commun de quelques semaines, mais qui serait devenu aussi odieux à vous qu’à moi maintenant que nous devions passer toute notre vie ensemble (cela me fait presque de la peine, en vous écrivant, de penser que cela a failli être, qu’il s’en est fallu de quelques secondes), j’avais pensé à organiser notre existence de la façon la plus indépendante possible, et pour commencer j’avais voulu que vous eussiez ce yacht où vous auriez pu voyager pendant que, trop souffrant, je vous eusse attendue au port (j’avais écrit à Elstir pour lui demander conseil, comme vous aimez son goût), et pour la terre j’avais voulu que vous eussiez votre automobile à vous, rien qu’à vous, dans laquelle vous sortiriez, vous voyageriez à votre fantaisie. Le yacht était déjà presque prêt, il s’appelle, selon votre désir exprimé à Balbec, le Cygne. Et me rappelant que vous préfériez à toutes les autres les voitures Rolls, j’en avais commandé une. Or maintenant que nous ne nous verrons plus jamais, comme je n’espère pas vous faire accepter le bateau ni la voiture (pour moi ils ne pourraient servir à rien), j’avais pensé – comme je les avais commandés à un intermédiaire, mais en donnant votre nom – que vous pourriez peut-être en les décommandant, vous, m’éviter le yacht et cette voiture devenus inutiles. Mais pour cela, et pour bien d’autres choses, il aurait fallu causer. Or je trouve que tant que je suis susceptible de vous réaimer, ce qui ne durera plus longtemps, il serait fou, pour un bateau à voiles et une Rolls Royce, de nous voir et de jouer le bonheur de votre vie puisque vous estimez qu’il est de vivre loin de moi. Non, je préfère garder la Rolls et même le yacht. Et comme je ne me servirai pas d’eux et qu’ils ont chance de rester toujours, l’un au port, désarmé, l’autre à l’écurie, je ferai graver sur le... (mon Dieu, je n’ose pas mettre un nom de pièce inexact et commettre une hérésie qui vous choquerait) du yacht ces vers de Mallarmé que vous aimiez: Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui Magnifique mais qui sans espoir se délivre Pour n’avoir pas chanté la région où vivre Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.", "Je ne réponds pas à ce que vous me dites de prétendues propositions que Saint-Loup (que je ne crois d’ailleurs nullement en Touraine) aurait faites à votre tante. C’est du Sherlock Holmes. Quelle idée vous faites-vous de moi?" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Je ne vous aime pas", "J’oublie quand je ne vois pas les gens" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "J’ai décidé de vous quitter", "Adieu pour toujours" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Je trouverais dangereux de vous voir", "Vous avez eu raison, nous serions malheureux ensemble." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "On dit qu’un prompt départ vous éloigne de nous.", "Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Madame, oubliez-vous que Thésée est mon père, et qu’il est votre époux?", "Ah! cruel, tu m’as trop entendue." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins. Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.", "soin de sa gloire" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "du soin de le défendre", "Si Albertine laisse passer quelques mois, mes mensonges deviendront une vérité. Et maintenant que le plus dur est passé, ne serait-il pas à souhaiter qu’elle laissât passer ce mois? Si elle revient, je renoncerai à la vie véritable que, certes, je ne suis pas en état de goûter encore, mais qui progressivement pourra commencer à présenter pour moi des charmes tandis que le souvenir d’Albertine ira en s’affaiblissant." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Il faudra voir si Mademoiselle Albertine n’a rien oublié. Pensez à faire sa chambre, pour qu’elle soit bien en état quand elle viendra.", "Justement l’autre jour Mademoiselle Albertine me disait, tenez justement la veille de son départ..." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Oh! Monsieur, Mademoiselle Albertine a oublié de prendre ses bagues, elles sont restées dans le tiroir.", "Il faut les lui renvoyer." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Bien, répondis-je après un instant de silence, cela ne vaut guère la peine de les lui renvoyer pour le peu de temps qu’elle doit être absente. Donnez-lesmoi, je verrai.", "Que Monsieur y fasse attention de ne pas les perdre on peut dire qu’elles sont belles! Je ne sais pas qui les lui a données, si c’est Monsieur ou un autre, mais je vois bien que c’est quelqu’un de riche et qui a du goût!" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Ce n’est pas moi, répondis-je à Françoise, et d’ailleurs ce n’est pas de la même personne que viennent les deux, l’une lui a été donnée par sa tante et elle a acheté l’autre.", "Pas de la même personne! s’écria Françoise, Monsieur veut rire, elles sont pareilles, sauf le rubis qu’on a ajouté sur l’une, il y a le même aigle sur les deux, les mêmes initiales à l’intérieur..." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Comment, le même aigle? Vous êtes folle. Sur celle qui n’a pas de rubis il y a bien un aigle, mais sur l’autre c’est une espèce de tête d’homme qui est ciselée.", "Une tête d’homme? où Monsieur a vu ça? Rien qu’avec mes lorgnons j’ai tout de suite vu que c’était une des ailes de l’aigle; que Monsieur prenne sa loupe, il verra l’autre aile sur l’autre côté, la tête et le bec au milieu. On voit chaque plume. Ah! c’est un beau travail." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais cela m’étonne que Monsieur ait eu besoin de tout cela pour voir que c’était la même bague, me dit Françoise. Même sans les regarder de près on sent bien la même façon, la même manière de plisser l’or, la même forme. Rien qu’à les apercevoir j’aurais juré qu’elles venaient du même endroit. Ça se reconnaît comme la cuisine d’une bonne cuisinière.", "Pourquoi est-ce que je ne peux pas sortir librement? pourquoi demandez-vous aux autres ce que je fais?" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mon ami, merci de toutes les bonnes choses que vous me dites, je suis à vos ordres pour décommander la Rolls si vous croyez que j’y puisse quelque chose, et je le crois. Vous n’avez qu’à m’écrire le nom de votre intermédiaire. Vous vous laisseriez monter le coup par ces gens qui ne cherchent qu’une chose, c’est à vendre; et que feriez-vous d’une auto, vous qui ne sortez jamais? Je suis très touchée que vous ayez gardé un bon souvenir de notre dernière promenade. Croyez que de mon côté je n’oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire (puisque la nuit venait et que nous allions nous quitter) et qu’elle ne s’effacera de mon esprit qu’avec la nuit complète.", "Je crois que mon amitié vous serait précieuse, que je suis justement la personne qui pourrait vous apporter ce qui vous manque" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "avec la certitude d’être providentiel", "Mon amie, pardonnez-moi ce que vous comprendrez si bien, je déteste tant les cachotteries que j’ai voulu que vous fussiez avertie par elle et par moi. J’ai, à vous avoir eue si doucement chez moi, pris la mauvaise habitude de ne pas être seul. Puisque nous avons décidé que vous ne reviendriez pas, j’ai pensé que la personne qui vous remplacerait le mieux, parce que c’est celle qui me changerait le moins, qui vous rappellerait le plus, c’était Andrée, et je lui ai demandé de venir. Pour que tout cela n’eût pas l’air trop brusque, je ne lui ai parlé que de quelques jours, mais entre nous je pense bien que cette fois-ci c’est une chose de toujours. Ne croyez-vous pas que j’aie raison? Vous savez que votre petit groupe de jeunes filles de Balbec a toujours été la cellule sociale qui a exercé sur moi le plus grand prestige, auquel j’ai été le plus heureux d’être un jour agrégé. Sans doute c’est ce prestige qui se fait encore sentir. Puisque la fatalité de nos caractères et la malchance de la vie a voulu que ma petite Albertine ne pût pas être ma femme, je crois que j’aurai tout de même une femme – moins charmante qu’elle, mais à qui des conformités plus grandes de nature permettront peut-être d’être plus heureuse avec moi – dans Andrée." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "J’aurais été trop heureuse de revenir si vous me l’aviez écrit directement", "parler par la fenêtre" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Comment! vous ne savez pas faire renvoyer quelqu’un qui vous déplaît? Ce n’est pas difficile. Vous n’avez, par exemple, qu’à cacher les choses qu’il faut qu’il apporte. Alors, au moment où ses patrons sont pressés, l’appellent, il ne trouve rien, il perd la tête. Ma tante vous dira, furieuse après lui: « Mais qu’est-ce qu’il fait?", "Mais il faut bien que chacun gagne sa vie" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Qu’est-ce que ça vous fiche du moment que vous serez bien? répondit méchamment Saint-Loup. Vous aurez en plus le plaisir d’avoir un souffre-douleur. Vous pouvez très bien renverser des encriers sur sa livrée au moment où il viendra servir un grand dîner, enfin ne pas lui laisser une minute de repos jusqu’à ce qu’il finisse par préférer s’en aller. Du reste, moi je pousserai à la roue, je dirai à ma tante que j’admire votre patience de servir avec un lourdaud pareil et aussi mal tenu.", "Tu trouves que j’aurais dû te téléphoner davantage, mais on disait toujours que tu n’étais pas libre." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Pour commencer par où ma dernière dépêche t’a laissé, après avoir passé par une espèce de hangar, j’entrai dans la maison, et au bout d’un long couloir on me fit entrer dans un salon.", "C’est tout ce que je t’avais demandé d’éviter, qu’elle sût que tu venais." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Si tu crois que c’était facile! On m’avait assuré qu’elle n’était pas là. Oh! je sais bien que tu n’es pas content de moi, je l’ai bien senti dans tes dépêches. Mais tu n’es pas juste, j’ai fait ce que j’ai pu.", "Enfin résumons-nous. Pour la question d’argent, je ne sais que te dire, j’ai parlé à une femme qui m’a paru si délicate que je craignais de la froisser. Or elle n’a pas fait ouf quand j’ai parlé de l’argent. Même, un peu plus tard, elle m’a dit qu’elle était touchée de voir que nous nous comprenions si bien. Pourtant tout ce qu’elle a dit ensuite était si délicat, si élevé, qu’il me semblait impossible qu’elle eût dit pour l’argent que je lui offrais: « Nous nous comprenons si bien" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle n’avait pas entendu", "Je suis ennuyé parce que je vois que tu n’es pas content." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Si, je suis touché, reconnaissant de ta gentillesse, mais il me semble que tu aurais pu...", "J’ai fait de mon mieux. Un autre n’eût pu faire davantage ni même autant. Essaie d’un autre." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais non, justement, si j’avais su, je ne t’aurais pas envoyé, mais ta démarche avortée m’empêche d’en faire une autre.", "C’est peut-être avec celle-là" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Je la quitterai bientôt", "Mon pauvre ami, notre petite Albertine n’est plus, pardonnez-moi de vous dire cette chose affreuse, vous qui l’aimiez tant. Elle a été jetée par son cheval contre un arbre pendant une promenade. Tous nos efforts n’ont pu la ranimer. Que ne suis-je morte à sa place." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mon pauvre petit, ta grand’mère qui t’aimait tant ne t’embrassera plus.", "Qu’estce qu’il y a?" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Monsieur n’a pas besoin d’avoir l’air fâché. Il va être au contraire bien content. Ce sont deux lettres de mademoiselle Albertine.", "Mon ami, je vous remercie de la preuve de confiance que vous me donnez en me disant votre intention de faire venir Andrée chez vous. Je sais qu’elle acceptera avec joie et je crois que ce sera très heureux pour elle. Douée comme elle est, elle saura profiter de la compagnie d’un homme tel que vous et de l’admirable influence que vous savez prendre sur un être. Je crois que vous avez eu là une idée d’où peut naître autant de bien pour elle que pour vous. Aussi, si elle faisait l’ombre d’une difficulté (ce que je ne crois pas), télégraphiez-moi, je me charge d’agir sur elle." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Serait-il trop tard que je revienne chez vous? Si vous n’avez pas encore écrit à Andrée, consentiriez-vous à me reprendre? Je m’inclinerai devant votre décision, je vous supplie de ne pas tarder à me la faire connaître, vous pensez avec quelle impatience je l’attends. Si c’était que je revienne, je prendrais le train immédiatement. De tout cœur à vous, Albertine.", "Elle est restaurée." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Nous ne l’avons pas vue aujourd’hui", "Il n’aura pas l’idée de nous chercher ici et comme cela nous ne serons plus dérangées." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle ne me plaît pas, elle est restaurée, mais nous irons demain à Saint-Martin le Vêtu, après-demain à...", "Oh! non, Monsieur, il ne faut pas pleurer comme cela, cela vous ferait mal!" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Il ne faut pas pleurer, Monsieur", "Ça devait arriver, elle était trop heureuse, la pauvre, elle n’a pas su connaître son bonheur." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "philosophe sous les toits", "Ce sont de braves gens." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Comment! vous pourriez passer vos journées avec Elstir qui est un homme de génie et vous les passez avec votre cousine!", "Mon cher petit lit, mon cher petit oreiller, mes chères petites aubépines." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle est si gentille", "ne me disaient rien" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Hélas, si vous étiez venue plus tôt, maintenant j’en aime une autre.", "Me recevriez-vous?" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mademoiselle Albertine est d’autres séparations. Car bien souvent pour que nous découvrions que nous sommes amoureux, peut-être même pour que nous le devenions, il faut qu’arrive le jour de la séparation. Dans ce cas, où c’est une attente vaine, un mot de refus qui fixe un choix, l’imagination fouettée par la souffrance va si vite dans son travail, fabrique avec une rapidité si folle un amour à peine commencé et qui restait informe, destiné à rester à l’état d’ébauche depuis des mois, que par instants l’intelligence, qui n’a pu rattraper le cœur, s’étonne, s’écrie: « Mais tu es fou, dans quelles pensées nouvelles vis-tu si douloureusement? Tout cela n’est pas la vie réelle.", "Plus je vous verrai, plus je vous aimerai" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "je sens que je pourrais être utile à votre esprit", "Tâchez d’être prudente. Pensez, s’il vous arrivait un accident je ne m’en consolerais pas" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais il peut m’arriver un accident", "Laissez-moi vous regarder encore puisque bientôt je ne vous verrai plus, et que ce sera pour jamais." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Dire que je ne verrai plus cette chambre, ces livres, ce pianola, toute cette maison, je ne peux pas le croire, et pourtant c’est vrai.", "Je fais du chiqué" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Je vous laisse le meilleur de moi-même", "cet instant, deux fois crépusculaire puisque le jour tombait et que nous allions nous quitter, ne s’effacera de mon esprit que quand il sera envahi par la nuit complète" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Pourquoi ne m’avait-elle pas dit: « J’ai ces goûts", "J’ai ces goûts." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle était délicieuse", "procrastination" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Elle aime peut-être les femmes", "Je peux mourir ce soir" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "D’après elle la chose que supposait Monsieur est absolument certaine. D’abord c’était elle qui soignait (Mlle A.) chaque fois que celle-ci venait aux bains. (Mlle A.) venait très souvent prendre sa douche avec une grande femme plus âgée qu’elle, toujours habillée en gris, et que la doucheuse sans savoir son nom connaissait pour l’avoir vue souvent rechercher des jeunes filles. Mais elle ne faisait plus attention aux autres depuis qu’elle connaissait (Mlle A.). Elle et (Mlle A.) s’enfermaient toujours dans la cabine, restaient très longtemps, et la dame en gris donnait au moins dix francs de pourboire à la personne avec qui j’ai causé. Comme m’a dit cette personne, vous pensez bien que si elles n’avaient fait qu’enfiler des perles, elles ne m’auraient pas donné dix francs de pourboire. (Mlle A.) venait aussi quelquefois avec une femme très noire de peau, qui avait un face-à-main. Mais (Mlle A.) venait le plus souvent avec des jeunes filles plus jeunes qu’elle, surtout une très rousse. Sauf la dame en gris, les personnes que (Mlle A.) avait l’habitude d’amener n’étaient pas de Balbec et devaient même souvent venir d’assez loin. Elles n’entraient jamais ensemble, mais (Mlle A.) entrait, en disant de laisser la porte de la cabine ouverte – qu’elle attendait une amie, et la personne avec qui j’ai parlé savait ce que cela voulait dire. Cette personne n’a pu me donner d’autres détails ne se rappelant pas très bien, « ce qui est facile à comprendre après si longtemps", "C’est une femme qui doit avoir la maladie du mensonge." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "un million à manger par mois", "Si tout de même cela n’était qu’un rêve! C’est peut-être elle, elle va sonner, elle revient, Françoise va entrer me dire avec plus d’effroi que de colère – car elle est plus superstitieuse encore que vindicative et craindrait moins la vivante que ce qu’elle croira peut-être un revenant: – « Monsieur ne devinera jamais qui est là." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "C’est à pleurer", "tout à fait délicieuse" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Cette époque est vraiment douloureuse, disons mieux, sinistre, pour le vrai chasseur, car il n’y a rien, absolument rien à tirer", "Devant cette manière d’organiser une exposition on se sent pris d’un immense découragement, d’une tristesse infinie..." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais, disait-elle, cette demoiselle ne lui avait jamais fait autre chose.", "Ai appris les choses les plus intéressantes. Ai plein de nouvelles pour prouver. Lettre suit." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "D’abord la petite blanchisseuse n’a rien voulu me dire, elle assurait que Mlle Albertine n’avait jamais fait que lui pincer le bras. Mais pour la faire parler je l’ai emmenée dîner, je l’ai fait boire. Alors elle m’a raconté que Mlle Albertine la rencontrait souvent au bord de la Loire, quand elle allait se baigner; que Mlle Albertine, qui avait l’habitude de se lever de grand matin pour aller se baigner, avait l’habitude de la retrouver au bord de l’eau, à un endroit où les arbres sont si épais que personne ne peut vous voir, et d’ailleurs il n’y a personne qui peut vous voir à cette heure-là. Puis la blanchisseuse amenait ses petites amies et elles se baignaient et après, comme il faisait très chaud déjà là-bas et que ça tapait dur même sous les arbres, elles restaient dans l’herbe à se sécher, à jouer, à se caresser. La petite blanchisseuse m’a avoué qu’elle aimait beaucoup à s’amuser avec ses petites amies, et que voyant Mlle Albertine qui se frottait toujours contre elle dans son peignoir, elle le lui avait fait enlever et lui faisait des caresses avec sa langue le long du cou et des bras, même sur la plante des pieds que Mlle Albertine lui tendait. La blanchisseuse se déshabillait aussi, et elles jouaient à se pousser dans l’eau; là elle ne n’a rien dit de plus, mais, tout dévoué à vos ordres et voulant faire n’importe quoi pour vous faire plaisir, j’ai emmené coucher avec moi la petite blanchisseuse. Elle m’a demandé si je voulais qu’elle me fit ce qu’elle faisait à Mlle Albertine quand celle-ci ôtait son costume de bain. Et elle m’a dit: « Si vous aviez vu comme elle frétillait, cette demoiselle, elle me disait: (ah! tu me mets aux anges) et elle était si énervée qu’elle ne pouvait s’empêcher de me mordre.", "Tu me mets aux anges." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Tu me mets aux anges", "Imaginez-vous, je ne l’aurais pas cru, eh bien, la demoiselle c’en est une aussi" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Tu me mets aux anges.", "Tu croyais que je ne saurais jamais ce que tu as fait après m’avoir quitté, eh bien je sais tout, la blanchisseuse au bord de la Loire, tu lui disais: « Tu me mets aux anges" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Pourquoi me tourmenter? Celle qui a eu du plaisir avec la blanchisseuse n’est plus rien, donc n’était pas une personne dont les actions gardent de la valeur. Elle ne se dit pas que je sais. Mais elle ne se dit pas non plus que je ne sais pas puisqu’elle ne se", "Je sais pour la blanchisseuse. Tu lui disais: tu me mets aux anges; j’ai vu la morsure." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Ce pianola, cette chambre, penser que je ne reverrai jamais tout cela", "Oh! non, tout plutôt que de vous faire de la peine, c’est entendu, je ne chercherai pas à vous revoir." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Comment? elle est ici?", "Oui, il est même temps que je vous quitte, car je dois aller la voir tout à l’heure." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais alors, m’écriai-je avec désespoir, de ce que j’attache tant d’importance à ce qu’a pu faire Albertine je ne peux pas conclure que sa personnalité est quelque chose de réel qui ne peut être aboli, que je la retrouverai un jour pareil au ciel, si j’appelle de tant de vœux, attends avec tant d’impatience, accueille avec tant de larmes le succès d’une personne qui n’a jamais existé que dans l’imagination de Bergotte, que je n’ai jamais vue, dont je suis libre de me figurer à mon gré le visage!", "Nous aurions pu aller ensemble jusqu’à Incarville, jusqu’à Doncières." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Ah! oui, elle aimait bien qu’on allât se promener dans la vallée de Chevreuse.", "Je ne vous en avais jamais parlé de peur de vous fâcher, mais, maintenant qu’il nous est doux de parler d’elle, je puis bien vous dire que je savais depuis bien longtemps les relations de ce genre que vous aviez avec Albertine. D’ailleurs, cela vous fera plaisir quoique vous le sachiez déjà: Albertine vous adorait." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Outre que pour rien au monde je ne ferais ce que vous dites devant vous, me répondit Andrée, je ne crois pas qu’aucune de celles que vous dites ait ces goûts.", "Comment! vous n’allez pas me faire croire que de toute votre bande il n’y avait qu’Albertine avec qui vous fissiez cela!" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais je ne l’ai jamais fait avec Albertine.", "Voyons, ma petite Andrée, pourquoi nier des choses que je sais depuis au moins trois ans; je n’y trouve rien de mal, au contraire. Justement, à propos du soir où elle voulait tant aller le lendemain avec vous chez Mme Verdurin, vous vous souvenez peut-être..." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "Mais je ne peux pourtant pas dire ce qui n’est pas vrai pour la simple raison que vous ne le trouveriez pas mal. Je vous jure que je n’ai jamais rien fait avec Albertine, et j’ai la conviction qu’elle détestait ces choses-là. Les gens qui vous ont dit cela vous ont menti, peutêtre dans un but intéressé", "Enfin soit, puisque vous ne voulez pas me le dire" ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "J’ai pu aller aux ButtesChaumont avec Albertine, mais est-ce un endroit qui a quelque chose de particulièrement mal?", "Si vous la voyez, ajouta-t-elle, ne lui dites pas ce que je vous ai dit d’elle, inutile de m’en faire une ennemie. Elle sait ce que je pense d’elle, mais j’ai toujours mieux aimé éviter avec elle les brouilles violentes qui n’amènent que des raccommodements. Et puis elle est dangereuse. Mais vous comprenez que, quand on a lu la lettre que j’ai eue il y a huit jours sous les yeux et où elle mentait avec une telle perfidie, rien, même les plus belles actions du monde, ne peuvent effacer le souvenir de cela." ] }
298
Albertine disparue
{ "role": [ "user", "assistant" ], "content": [ "ce n’est pas en mon pouvoir", "Si j’avais pu connaître tels témoins!" ] }
End of preview. Expand in Data Studio
README.md exists but content is empty.
Downloads last month
3